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Edmonde-Charles Roux
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Jeudi 21 janvier 2016
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16.16
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Edmonde-Charles Roux
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Quand Gilbert Cramoiseau marche, il marche à la manière du rêveur solitaire, l'air introverti, le regard fixé sur la pointe de ses souliers et se laisse envahir par mille pensées sans véritable intérêt mais qui l'assaillent pêle-mêle à son insu et qu’il mâchonne au rythme de ses pas. Il lui faut toujours broyer quelque chose pour ne pas avoir le sentiment de tourner à vide, c'est à dire pour ne pas avoir l'impression de vivre à vide.
La croix verte lumineuse d'une pharmacie laisse défiler la bande-annonce de la date, de l'heure et de la température. Il fait nuit encore. Sept heures cinquante-sept, treize degrés. Il marche dans ce matin d'hiver, ce matin de décembre dans cette énorme ville où déjà gronde à cette heure le murmure immense du labeur.
Il marche donc, lève soudain la tête et tombe quasiment le nez sur l'affiche d'un panneau publicitaire. Il s’agit de la publicité de la marque Nikon qui l'interpelle, l'apostrophe, au point qu’il a failli lui dire bonjour, bonjour ! à cette affiche qui lui jette au visage l'objectif d'un appareil photographique qui le fixe du doigt, de l'index, le soulève par le col, le happe, le hisse, le hèle : " Souriez, vous êtes filmé " clament les mots du slogan. Et Gilbert Cramoiseau subjugué, charmé, obtempère, sourit. Il sourit naturellement, heureux, limite béat. Nikon lui a dit " Souriez " Cramoiseau sourit à Nikon.
Puis il continue de marcher, songeur. Il n'en revient pas. Il se repasse le film de l'histoire et sourit à nouveau. Mais quel con ! mais quel con ! quel... bon ! il s'est suffisamment flagellé ...
Puis il marche toujours, éberlué, " ahurissant ! j'ai obéi à une affiche, à une forme d'injonction subliminale ".
Il marche Gilbert Cramoiseau, il marche et il se remet à sourire. Quand même ! sourire à un slogan !
Normal il est filmé.
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8 août 2021
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Souriez, vous êtes filmé
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Quand Gilbert Cramoiseau marche, il marche à la manière du rêveur solitaire, le regard accroché à la pointe de ses souliers et se laissant envahir par le tout-venant de ses pensées. Il lui faut toujours avoir du grain à moudre, un quelque chose, pour ne pas être hanté par le sentiment de tourner à vide, c'est à dire pour ne pas avoir l'impression de vivre à vide.
Il marche ce matin dans cette énorme ville où déjà gronde le murmure immense du labeur. La croix verte lumineuse d'une pharmacie laisse défiler la date, l'heure et la température. Il fait nuit encore. Sept heures cinquante sept, treize degrés. Il marche, lève la tête, tombe quasiment nez à nez avec l'affiche d'un panneau publicitaire, ils disent un panneau sucette, planté sur le trottoir.... cette affiche qui l'interpelle, l'apostrophe.
Il a failli lui dire bonjour, bonjour à cette affiche qui lui jette au visage l'objectif d'un appareil photographique qui le fixe, le pointe du doigt, le soulève par le col, le happe, l'aspire, le gobe, le hèle : " Souriez, vous êtes filmé " clament les mots du slogan.
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Et Gilbert Cramoiseau subjugué, charmé, obtempère, sourit. Il obtempère et sourit Cramoiseau. Il sourit naturellement, heureux, limite béat. Nikon lui a dit " Souriez " il sourit à Nikon.
Puis il continue de marcher, songeur. Il n'en revient pas. Il se repasse le film de l'histoire et sourit à nouveau. Mais quel con ! mais quel con ! quel... bon ! il s'est suffisamment flagellé.
Et il marche, il marche, éberlué, " Ahurissant, j'ai obéi à une affiche, à une forme d'injonction subliminale ".
Il marche Gilbert Cramoiseau, il marche et il se remet à sourire. Il n'en revient pas. Je suis filmé !
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Souriez, vous êtes filmé
Quand Gilbert Cramoiseau marche, c'est à dire à la manière du rêveur solitaire, introverti, le regard perdu sur la pointe de ses souliers et se laissant envahir par mille pensées sans véritable intérêt. Il lui faut toujours broyer quelque chose pour ne pas avoir le sentiment de tourner à vide, c'est à dire pour ne pas avoir l'impression de vivre à vide.
Il marche ce matin dans cette énorme ville où déjà gronde le murmure immense du labeur. La croix verte lumineuse d'une pharmacie laisse défiler la date, l'heure et la température. Il fait nuit encore. Sept heures cinquante sept, treize degrés. Il marche, lève la tête, tombe quasiment nez à nez avec l'affiche d'un panneau publicitaire ....Channel qui l'interpelle, l'apostrophe, il a failli lui dire bonjour, bonjour à cette affiche qui lui jette au visage l'objectif d'un appareil photographique qui le fixe du doigt, le soulève par le col, le happe, l'aspire, le gobe, le hèle : "souriez, vous êtes filmé" clament les mots du slogan. Et Gilbert Cramoiseau subjugué, charmé, obtempère, sourit. Il sourit naturellement, heureux, limite béat. Nikon lui a dit "souriez" il sourit à Nikon.
Puis il continue de marcher, songeur. Il n'en revient pas. Il se repasse le film de l'histoire et sourit à nouveau. Mais quel con ! mais quel con ! quel... bon ! il s'est suffisamment flagellé se dit-il. Puis il marche toujours, éberlué, "ahurissant, j'ai obéi à une affiche, à une forme d'injonction subliminale". Il marche Gilbert Cramoiseau, il marche et il se remet à sourire
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Chers voisins
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Je le ressasse, mais je le ressasse une nouvelle fois et ce ne sera pas la dernière. Le voisin d'en face est un sale con. Qu'est-ce qu'un sale con. C'est un esprit borné, jaloux, méchant, vindicatif, qui contrevient aux règles du vivre ensemble et refuse de s'y soumettre. Là je n'entre pas dans les détails puisque j'en fais un roman.
Donc j'ouvre ce matin les volets du séjour qui donnent sur la rue. Au même moment D *** qui devrait se nommer Ducon qui habite la maison d'en face, en sort, et traverse l'espèce de petit rond-point qui gît sous mes fenêtres. Et, à l'instant précis où il passe au droit de la fenêtre, en m'ignorant superbement, enfin superbement que dis-je, piteusement, je lui lance ; " Alors, il n'y a pas de bonjour ce matin.! "
Il y a un mois comme je rentrais tôt du marché je passe devant son véhicule. Il était au volant avec toute sa smalah, c'est à dire le kit bonne femme et mômes. Ils en ont deux, deux graines de racailles, un garçon et une fille. Ils partaient en vacances, les vacances de février. Il s'apprêtait à quitter son stationnement, quand il ouvrit sa vitre et m'agrafa, me jetant à la face un ; " Bonne semaine monsieur X ! " rigolard, goguenard, insolent. Certes j'aime le X mais qu'en sait-il, il me provoque, j'ai ma dignité.
Pris au dépourvu je passais mon chemin faisant un geste de la main okey okey vieux con, prends ton pied si ça te le fait, je prendrai ma revanche plus tard.
Et là, je la prendrai ma revanche, je lui rendrai la monnaie de sa pièce, je lui ferai la réponse du berger à la bergère ... Le moment viendra. Le moment vient toujours.
Je reprends donc. Je disais comme il passait sous ma fenêtre, l'ouvrant je l'interpelle ; " Alors il n'y a pas de bonjour ce matin ! " Il ne me répond pas et il file droit devant lui mais parvenu sur le trottoir - c'est un type précautionneux, s'il m'avait répondu en traversant me regardant il n'aurait pas vu le véhicule survenant qui l'eût écrasé et m'aurait débarrassé de cette lie et le Ducon car ça il ne sait pas c'est que dans mon roman, dans mon roman en cours d'écriture, je le fais mourir. Il meurt, il meurt, je le fais mourir, précisément écrasé par une voiture comme il traversait la rue. Et ça, ça me fait du bien de le savoir, un bien fou. ....
.... Mais je reprends une fois encore, donc parvenu sur le trottoir il tourne la tête vers moi ; " Pardon ? " . Alors moi, du coup surpris, dans un grand geste de dénégation un peu niaise finissant d'ouvrir mes volets, je bougonne un théâtral ; " Non, cher ami, la récréation est terminée ! "
Pauvre con. Fin de la séquence. Mais j'ai raté mon coup.
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- 20 mars 2021
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Un quartier de lune
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La fenêtre de la chambre était ouverte sur la nuit. Le firmament y battait son plein, la lune là-haut en son premier quartier, blanche comme un clown blanc ouvrit une paupière lorsqu'elle la vit entrer et marcher le pas ailé sur le rais qu'elle lui déployait sur le parquet ciré de la chambre.
Elle entra dans son petit cabinet rose, tout habillée et suante de sa journée, se défeuilla, dentelle après dentelle, chichi après chichi, tandis que Christine and the Queens se désarticulait se prenant pour le mime Marceau, et éructait croyant chanter. Un courant d'air sauta dans le petit cabinet rose, et vif et capricieux claqua la porte qu'elle avait laissée ouverte derrière elle, et d'un tourbillon rapide et sans appel acheva de la dénuder. Ses dentelles voletaient au vent aurait dit la chanson. Nue d'un souffle, nue...
Nue telle Vénus sortant des eaux, rose, les seins gonflés et leur téton pointant, alors, se regardant dans sa psyché, troublée, elle laissa ses longues mains et doigts glisser sur sa peau d'albâtre, effleurer ses courbes. Elle s'abandonna à polir ainsi sa nudité pleine, blanche, et ardente quand soudain saisie d'un vertige amoureux secouant sa lourde et fauve crinière baudelairienne qu'elle aviva et déploya d'un geste ample se crut se prit pour un ange. D'une détente elle bondit sur le rebord de la fenêtre se haussa sur la pointe d'un pied, tendit ses lèvres les haussa vers la lune et lançant son bras voulut atteindre la pointe basse de la lune en son premier quartier qui sembla descendre vers elle pour l'aider à prendre pieds...
Elle sauta, la lune la regardait toujours, mais ne descendait pas, ne se décrocha pas, ne fit rien pour sauver la belle qui n'y put prendre pied et s'écrasa sur l'asphalte du parking et la lune qui regardait qui regardait toujours ne vit plus dans l'éclat du rais qu'elle avait déroulé, que l'étoile rouge d'une virginité viscérale éclatée qui s'était cru un ange.
Un nuage passa qui éteignit la lune
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Mardi 3 novembre 2015; Nouvelle inspirée par un texte de Paul Eluard " Toilette " dans l'ensemble " Donner à voir ".Irène ce n'est pas son prénom d'état-civil mais il n'aime pas son prénom d'état-civil. Irène c'est le prénom de son premier et véritable amour.
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5112015,15.32/140120/22122020,1337/
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