mardi 10 septembre 2024

* Le Poil

__________________________

Le poil, Courbet et la boulangère
_________________________

Il est midi. 

   C'est la mauvaise heure pour aller acheter son pain. Il faut faire la queue. Cramoiseau la prend cette queue qui se prolonge sur le trottoir. Cram, pour les intimes mais Cramoiseau n'a pas d'intimes, et est fâché de n'avoir pas glissé un livre de poche qui l'aiderait à tromper son attente. Mais les dieux de notre quotidien font souvent bien les choses. Dans la boulangerie sur une tablette jouxtant la caisse il vise un empilement de magazines publicitaires promouvant les commerces du centre-ville. Il s'extrait de la file, va prendre un exemplaire, reprend sa place et feuillette l'opuscule aux pages glacées, qui affiche ; " Edition spéciale Printemps " .

   Cramoiseau distraitement parcourt quelques pages, quelques lignes puis revient deux pages en arrière. Le titre d'une chronique l'a interpellé. Il a lu : " Le poil ". 

   Il lit : " Le poil pour ou contre ? ". Il lit : " Les femmes le traquent quand les hommes l'arborent avec fierté. Pourtant la mode déplace les frontières, bouscule les codes de la séduction et la question reste pendante. Le poil, pour ou contre ? Ainsi les adeptes du beau et d'un certain puritanisme prônent l'imberbe. Le poil tabou en matière de beauté que les femmes traqueraient..."

    Cramoiseau sourit, il a enfin pris pied dans la boulangerie et poursuit sa lecture. "... mais plus qu'une question de sexe, le poil est affaire de sexualité. Et dans ce domaine si riche en fantasme, les principes s'affrontent, la religion, l'esthétique, ou la science en discutent. Les scientifiques sont pour le poil qui nous protège du froid et le poil dans le nez constitue le filtre contre la poussière. Le poil dissuade les insectes d'explorations inopportunes. Quant à eux les sexologues disent que le poil reste le symbole...".

Cramoiseau lève la tête, son tour est presque arrivé. "... reste le symbole de la féminité et le meilleur vecteur d'attirance et l'emblème de la virilité chez l'homme..."

- Et pour vous, monsieur Cramoiseau, un pain polka comme d'habitude...

Cramoiseau s'extirpe de sa lecture regarde la jeune boulangère, grande, souriante, elle s'appelle Cynthia. Cramoiseau aime ces prénoms à l'antique, Cynthia si chère à Properce, mais le sait-elle au moins. Il ne regarde plus Cynthia il la fixe brandissant le magazine.

- " Le poil " vous avez lu ?

Cramoiseau agite le magazine, lui pointe de l'index le titre de l'article sous le nez.

- Là ! vous voyez, vous lisez ! le titre : " Le poil "

Cynthia la boulangère regarde tout à la fois la page et la figure à vrai dire un peu stupide de Cramoiseau, s'interroge, ne comprenant pas tout, attendant la réponse de Cramoiseau. Le pain polka attend sur l'étagère, la queue s'allonge sur le trottoir comme le nez de Pinocchio en d'autres temps, les joues de Cynthia ont rosi.

- C'est un article sur le poil, vous êtes pour ou contre ? pour ou contre le port du poil mademoiselle ?

    C'est bien le moment d'échanger sur le poil... L'insistance de Cramoiseau devient incongrue et inconvenante.

La boulangère cette fois passe au rouge, pince les lèvres. Il y a un grand silence dans la boulangerie empreint d'une désapprobation sourde, retenue et implicite. Cramoiseau ne sourit plus. Il sent que quelque chose ne passe pas, son humour peut-être. Il se croyait drôle, léger. On le perçoit grossier, vulgaire et lourd. Cynthia est livide maintenant. La queue s'allonge sur le trottoir. Elle, Cynthia, la mitronne se secoue, s'agace, se décide, va lui prendre dans la niche le pain polka et le lui tend.

- Voyons Cynthia, vous avez compris au moins que je plaisantais. Le poil ! c'est écrit, là !... ce n'est pas une fantaisie de ma part. D'ailleurs pour tout vous dire, ça m'inspire, dès que je le pourrai je me rendrai au musée des Beaux-arts et je me camperai devant " l'Origine du monde" de Courbet. Cynthia, Courbet vous connaissez ?

Cynthia a toujours le pain polka à la main. Elle est heureuse de la question posée. Elle n'est pas idiote. Elle vend du pain mais elle n'est pas idiote et elle sait compter elle sait rendre la monnaie.

- Oui, bien sûr Julien...

- ...

- Julien ?

- Julien Courbet l'animateur de TF1 dans " Combien ça coûte... "

- Ah ! non fait une voix dans la queue, Combien ça coûte, c'est Jean-Pierre Pernaut le présentateur du journal télévisé.

- Cynthia ! allons ! moi je parle de Gustave Courbet, le peintre.

- Connais pas, vous me devez un euro et trois centimes monsieur Cramoiseau.

Jean-Gilbert Cramoiseau esquisse un mouvement d'épaule, soupire.

Vous ne connaissez pas... mais moi je peux vous dire que Gustave Courbet, lui, vous connait, et il vous connaît bien au-delà de ce que vous pourriez imaginer. Il sait mieux que quiconque votre intimité, votre fourrage, je devrais dire votre buissonnet charmant ... non  pardon Cynthia je dérape ..

Mais la boulangère n'imagine rien. D'ailleurs, elle, n'est pas la patronne, elle n'est que l'employée, elle ne sait que vendre du pain, sourire, dire merci, au revoir, bonne journée et rendre la monnaie. Elle n'a pas la culture rentrée de la concierge de " L'Elégance du hérisson " 

   Elle est de nouveau interloquée. Qu'est-ce qu'il lui dit le Cramoiseau ? Que Courbet la connait ?

- Courbet vous a déshabillée Cynthia, il vous a mise à nue, il a dévoilé vos formes, vos appâts, vos rondeurs, votre... Cramoiseau décidément ne se tient plus, mais perçoit qu'il continue de déraper, l'ivresse des mots, là, il s'enfonce dans le malentendu... Il coule même.
 
   Mais madame, Cynthia, madame, il ne s'agit pas de vous personnellement, intimement, comment oserais-je. Il, Gustave Courbet, il connaît la femme en général, la femme allégorique, et dans ses complexités les plus intimes, qu'il a vue, nue, épanouie et qu'il a peinte et repeinte, explorée, exposée.

Cynthia a décroché, mais qu'est-ce qu'il lui fait là, le vieux ce matin, il perd la tête... la queue non seulement s'allonge encore mais maintenant s'agite, la queue enfle, la queue maugrée, la queue murmure, la queue gronde. Ah les queues, les queues qui murmurent, les queues qui s'émeuvent, les queues qui enflent ... . Les queues, tiens curieux il va falloir que je consulte se dit Cram...

- Il y a du monde monsieur Cramoiseau !

Cramoiseau un peu vexé touche les doigts de Cynthia en lui donnant les pièces. Exprès. Les doigts de Cynthia. Elle ne réagit pas mais rougit, c'est gênant. Têtu, il veut conclure.

- Et pour en finir avec le poil, quand vous verrez " l'Origine du monde " vous comprendrez et tomberez à la renverse ! 

   Cramoiseau dans le même instant se dit que Cynthia doit souvent tomber à la renverse pour bien d'autres choses ...

Jean-Gilbert Cramoiseau se retourne vers la queue qui ... la queue qui commence à avoir le frémissement mauvais de l'impatience et de la colère contenues . Il interpelle la queue : " Il y a bien ici des messieurs-dames qui comprendront. " . En écho une voix forte lance un ; " Ta gueule ! "
 
      Cramoiseau finit par saisir son pain et sort en passant devant la queue qui le vrille de regards circonspects, méchants et haineux. 
 
 Une voix de bonne femme aigrelette comme il sied, dit à la boulangère :

- Ma pauvre que voulez-vous y' a plus que de vieux cinglés maintenant sur la terre, ça viole à tous vents. Méfiez-vous Cynthie, des pervers comme ça, ça peut vous attendre au coin de la rue.

- Pas Cynthie, madame Meuche ! Cynthia !
 
   La vieille dame en rajoute : " .... à qui aujourd'hui peut-on donner le bon dieu sans confession, ce monsieur pourtant me faisait bonne impression, mais somme toute c'est un vicieux, un vieux cochon, j'en ai repérer beaucoup dans le quartier des comme ça ".

Cynthia a remis la file en mouvement. 
 
   Tout en servant les pains, les brioches et les sandwiches, et en rendant la monnaie, troublée encore par le numéro de Cramoiseau Cynthia se dit si le père Cramoiseau savait ! 
 
   Oui, si Cramoiseau savait, savait qu'elle tient un blog sur un site internet pour adulte sur lequel elle exprime ses fantasmes, s'affiche, s'exhibe, s'ouvre, jette sa chatte à la concupiscence des voyeurs. Elle a intitulé son blog : " La petite pute du soixante neuf " qu'elle a introduit et présenté ainsi : " Ils disent que je suis une pute ".

     Elle les connaît bien Cynthia les vieux cochons sur la toile. Ils frappent par centaines à la porte de son blog. Il faut dire qu'elle y met de sa personne.

Le coup de feu est passé. La clientèle s'est espacée. Cynthia se tourne vers sa collègue la jeune Eglantine et lui dit :

-  Non, mais tu as entendu tout ce qu'il m'a sorti le vieux ! Je t'assure que le patron je vais lui en parler. Il a de la chance que c'est un bon client, qu'il nous achète tous les matins pour cinq euros de viennoiseries, c'est un malade ce type, la vieille d'ailleurs l'a dit c'est un vicieux, un obsédé, un vieux cochon. Il m'a toute chamboulée.

 
Cramoiseau est rentré chez lui.

- Tiens, voilà ton pain polka dit Cramoiseau en le tendant à Irène sa femme...un euro et trois centimes.

- Bien, mets le dans la huche à pain. Qu'est-ce que tu as fabriqué ! l'omelette est sèche et les frites ont refroidi ! A table !

Cramoiseau s'exécute lorsqu'il se met soudain à rire. " Ouais ! il y avait une sacrée queue et la boulangère était bien molle ... mais c'est pas vrai chérie ! regarde ! ce pain la bobine qu'il a... tout mou, qui se recroqueville, qui se ratatine du haut... je ne croyais pas si bien dire."

- Heureusement que c'est toi qui l'as acheté. Elle t'a refilé du pain rassis et tu l'as accepté sans rien dire ... Grande gueule ici et petite gueule dehors ... puis arrête avec tes plaisanteries salaces. Et pourquoi ne croyais-tu pas si bien dire ...?

- Comment mes plaisanteries salaces, mais tu sais ce que je lui ai dit, moi, à la boulangère ? Je lui ai dit : " C'est ça que vous me donnez aujourd'hui, ce morceau de pain sans vie, flasque... madame, vous appelez ça du pain ! mais madame, moi, du pain ! c'est du pain blanc, long, gonflé d'envie, qui jouit de sa pâte, qui se pâme sous la poigne profonde et féconde et moite du mâle qui la malaxe et la pétrit lorsqu'elle est encore chaude et odorante. 

     Car, madame, le pain, l'on ne vient pas vous l'acheter, l'on vient le quérir, d'ailleurs, ne me dis-tu pas Irène : " Chéri, veux-tu aller quérir un pain ". Irène regarde Cramoiseau, mais qu'est-ce qu'il a ce matin il est timbré !  Et j'ai poursuivi - je précise qu'une queue se formait derrière moi - le pain, madame, c'est une œuvre, une senteur, une chair de femme épanouie qui s'alanguit, qui s'amollit, qui s'offre, qui s'attendrit. Des dents s'y enfonceront, s'y perdront et des lèvres humaines rêveront de la baiser, oui madame de la baiser ! de baiser la chair de votre pain ". 

   Et je continuais : " ... le pain, madame, c'est une femme qui a du sexe et de la conversation et que nos narines tout en frémissant de leurs ailes hument. Non ! le pain n'est pas une femme, le pain est un sexe de femme, c'est ça ! un sexe de femme ! qui ... Oh oui ! Cynthia, oui je vous vois, mais vous rougissez, j'en suis la cause. Enfin la cause par un effet collatéral d'un pain qui manque à sa réputation. Mais tant mieux. 
   
   Mes mots vous émoustillent, des chaleurs vous montent, des fièvres vous prennent... " Puis me reprenant ; " ... enfin, madame, ce pain que vous m'enveloppez, cette pâte abêtie, inféconde que je qualifierai d'obscène, sachez qu'il me coupe déjà l'appétit, qu'elle me pèse sur l'estomac.

Irène avait depuis un moment lâché un torchon et écouté la péroraison de Jean-Gilbert les bras croisés, stupéfiée, il est vraiment timbré !.

- Et tu lui as dit tout ça !

- Parfaitement

- Et elle ne t'a pas jeté dehors ?

- La preuve !

- Mais tu lui a pris le pain.

- Il n'y en avait plus pour le déjeuner

- Une pâte sans saveur ...

- Effet de rhétorique, figure de style. Elle et sa petite collègue en sont restées bouche bée. L'on n'entendait pas une mouche voler. Je te dis que lorsque je suis sorti il avait une queue sur le trottoir, une sacrée queue.

- Tu m'étonnes !

- Ah tiens, je t'ai apporté une revue, tu liras, il y a un article intéressant sur le poil.

- Sur quoi ?

- Sur le poil.

- Tu es vraiment un obsédé ! un grand malade


                                                                                 ***
_

- Décembre 2013 - 611201512.51/14012017 - 26 juin 2023

Mercredi 7 Octobre 2009/jeudi 4 décembre 2013/Dimanche 8 décembre 2013/6 novembre 2015/ 14 janvier 2017 - 26 juin 2023 - Mercredi 11 septembre 2024


    texte définitif


_


.

lundi 9 septembre 2024

Tu n'arrêtes pas chérie !

 .

NOUVELLE

__________________________________________________________



Tu n'arrêtes pas chérie
_

Gilbert Cramoiseau entre dans la cuisine l'air suffisant, Brigitte y est déjà affairée. Cramoiseau qui a un caractère infernal mais qui a encore quelque bribe ténue d'humanité lui dit, presque admiratif, un peu outrancier :

- Tu n'arrêtes par, chérie !

Ce n'est évidemment pas nouveau, il ne découvre tout de même pas après trente sept ans de vie commune ce qu'est tout au long d'une journée, le commun des femmes, leur servage, et il reconnaît que quand même une femme, c'est un beau concentré d'abnégation, de soumission obligée, et de domesticité assumée...

   Une espèce de Sainte, au moins les saintes se pâment-elles pour leur Dieu pour Jésus, à parfois en devenir folle ou hystérique.

Brigitte Cramoiseau lave sa cocotte-minute après avoir passé les légumes. Ah bien sûr elle, son truc, ce n'est pas le fondement de la métaphysique des mœurs de Kant.

- Eh oui vois-tu et je ne demande rien, si peut-être ! que l'on ne m'ignore pas mais toi tu m'ignores, je ne te suis rien.

- Tu demandes au moins de la politesse, de la courtoisie, veut s'assurer Cramoiseau qui ne lui concède que le service minimum.

- Pas même dit Brigitte en se tournant vers lui, oui de la politesse non, pas de la politesse, mais que l'on me montre au moins quelque part que j'existe, et elle ajoute regardant Cramoiseau dans les yeux :

- Tu vois, je ne demande même pas du sentiment.

Elle le fixe, elle le fouaille, elle est lucide, elle sait que les "chéries" que son mari lui octroie sont des mots tout faits, des cache-misères de l'amour qui n'est plus, des trompe l'oreille, des leurres avec lesquels il lui cloue le bec pour avoir la paix. 

    Les hommes sont des salauds


_



Un baiser sur le front

 .

UN BAISER SUR LE FRONT   


Brigitte Cramoiseau énerve constamment Gilbert Cramoiseau, et il lui dit qu'elle est inculte, illettrée, idiote.  A la limite ce qui l'énerve ce n'est pas tant qu'elle soit inculte, illettrée, idiote, c'est qu'elle refuse de le reconnaître pas l'être - il est vrai que c'est tout juste si elle n'affirmerait pas qu'elle est aussi belle femme que Meryl Streep - et de ce fait ne fera aucun effort pour ne plus l'être. 



      Brigitte rentre sous la pluie d'une radio des poumons. Elle traînait encore au terme d'une sérieuse infection pulmonaire un petit trente-sept huit de fièvre. Elle a téléphoné et sa doctoresse a préféré assurer. Cramoiseau prend l'enveloppe, l'élève à la clarté du jour, feint de lire la radio par transparence et lui dit goguenard :


- Alors radio impeccable ?


- Exact, confirme Brigitte Cramoiseau après avoir relu le commentaire du radiologue : " Radio impeccable ".


Cramoiseau ricane :


- Ah ! ah ! on a bien fantasmé sur le pire, madame n'a pas de pneumonie, et madame a désormais une belle image en noire et blanc qu'elle va consciencieusement ranger dans l'armoire à glaces de la chambre, deuxième étagère, entre deux paires de draps, ou sous un lit parmi dix autres liasses de papiers, et qu'elle ne retrouvera plus le jour ou son médecin la lui redemandera.


    Brigitte Cramoiseau réagit; " Je tousse, je ne me soigne pas, tu me le reproches, je m'en préoccupe, tu te moques ! "


- Je plaisantais, je plaisantais ! fait Cramoiseau, qui décide de lui coller un baiser sur le front parce qu'il vient de décider de faire dans le délit de douceur psychologique. C'est dur mais il se le promet, il va essayer. 


Cramoiseau s'amuse. Il fait dans le " Chérie, chérie " et dans le baiser sur le front, ça désamorce, ça fait noble. 


       Et les femmes s'y laissent toujours prendre.


13102014


.

Tu tousses

 .

Tu tousses !


- Tu tousses ma vieille faut consulter. Tu n'arrêtes pas, tu m’exténues, tu m’exaspères. C'est ta faute, tu veux frimer. C'est l'hiver et tu sors à poil, alors évidemment ça te tombe dessus et c'est bien fait. Seulement, seulement, tu tousses le jour, tu tousses la nuit et tu ne fais rien, tu te prends des remèdes à la con. Et les toubibs ça sert à quoi ! et le pharmacien ! Mets-toi au moins des cataplasmes mais fais quelque chose, bon dieu !


     C'est moi qui t'entend, moi qui te supporte !


- Je tousse ! mais toi du éructes vieux con et tu craches par terre. De la tenue ! même en Chine maintenant l'on ne crache plus par terre, si tu craches tu vas en prison. Alors donc ta gueule vieux con je tousse oui et je t'emmerde tout autant. Je fais exprès de tousser, je continuerai de sortir à poil, moi au moins j'ai des courbes à proposer, belles et chaudes aux mains qui savent les approcher. 


      J'ai pris froid ! et après ! ça ne t'arrive jamais toi, monsieur ! de prendre froid, toi t'es parfait, t'es un dieu, je sais tout, j'ai toujours raison, je fais toujours tout bien..... Allez c'est ça mon vieux ! Bouffe-les tes yaourts taille-fine à zéro pour cent de matière grasse. Allez encore ! un, deux, trois ! comme tous les soirs, t'as raison c'est bon pour le moral, allez frankie c'est bon, mais regarde-toi gros cochon, tes chairs qui submergent ta ceinture d'enceinte, alors fais pas chier, laisse-moi tousser. Mais j’irai chez le médecin.


                            -



- Alors, c'était quoi !


- Pas la grippe. C'est entre l'angine et un virus


- Tu lui as dit que tu étais sortie à poil ?


- Pauvre con ! mais elle m'a dit que toi tu avais pu me passer le virus


- Cela m'eût étonné que ce ne fût pas tôt ou tard, ou d'une manière ou d'une autre de ma faute, tu es vraiment une....


- Ne le dis pas ou je fais le trente-neuf !


- Fais le donc... elle t'a donné un sirop au moins ?


- Oui, mais le sirop il est à la pharmacie, j'ai pas eu le courage d'aller à la pharmacie.




.


13102014



.





La tueuse

 .

_


Dommage, dommage


Elle le regarde. Elle le veut. Mais lui ne la regarde pas, mais lui ne la veut pas.

    Elle le harcèle avec ses sourires, ses clins d'œil, ses montées de lèvres. Elle le guette, s'avance, le croise, tourne autour de lui, elle fait exprès, elle lui souffle en le frôlant : " Je t'aime ". Il file droit devant lui, l'a vue mais ne la voit pas, ne la regarde pas parce qu'il ne peut la vouloir parce qu'elle n'est pas belle, parce qu'elle est simplement laide, d'ailleurs personne ne la voudra, jamais, parce qu'elle est laide, elle a une figure mais pas de visage, elle est courte sur ses jambes sans galbe, elle a les seins déjà mous.


Voilà longtemps qu'elle sait tout ça, pas besoin d'avoir fait polytechnique pour le savoir, depuis toujours elle a su, le regard des autres le lui ont toujours dit. Elle est laide, mais pas conne, et contrairement aux laides qui sont connes et qui ne l'admettront jamais elle l'admet .


   Mais connes ça veut dire quoi ? Dans sa perception à lui une conne c'est une bonne petite femme - mais là quelle concession, quelle mansuétude de sa part - mais intellectuellement limitée, qui sait coudre, tricoter, cuisiner, pratique mais qui n'est pas cultivée, qui ne comprend pas toujours ce qu'on lui dit, qui n'a pas l'art de la répartie, de la rhétorique, et qui pour avoir l'air intelligente, à la hauteur de son interlocuteur prend des airs de demeuré, en levant le sourcil, roulant des yeux. Elle mélange tout, et croit parce qu'elle a acheté un manteau ou un truc de chez machin elle devient soudain très belle, digne de considération et d'attention alors que le truc ou le manteau lui vont comme une guenille à un épouvantail. 


   Et à tout prendre mieux vaut être laide que conne. Laide oui, mais conne non ! et ça ne peut pas durer, elle ne va pas toute sa vie durant se faire souffrir devant son miroir et lire à tout instant sa laideur dans le regard des autres, dans les grimaces des autres, dans leurs apitoiements ou compassions polis. Elle sait aussi son visage comme si un éléphant s'y était assis, écrasé ! et sa bouche toute petite, ronde et resserrée, qu'on dirait en y pensant bien un trou de balle, disons le mot un trou du cul...


 Alors hein un jour il faut bien qu'un jour quelqu'un paie d'une manière ou d'une autre le refus de l'accepter en sa laideur  .

Elle s'approche, elle l'agrippe à l'encolure du chandail, elle lui dit les yeux dans les yeux, " Alors chéri hein ! ça se baise pas une fille comme moi, on baise pas un gros sac, d'ailleurs un sac tout court, ce serait contrenature et me baiser c'est contrenature. On ne s'affiche pas avec moi, je fais honte même que je ne peux que puer de la bouche, des aisselles et de la chatte ! et les chattes il te les faut à Bac plus quatre, plus cinq, ! Il te faut du beau, du tendre, du laqué, du shorty, du sent bon, du 5 de chez Chanel, du talon aiguille, du sexe et de la conversation.".

Il est pâle, il est grand et il est beau, il doit sentir bon le sable chaud, l'after-shave, les saveurs des amours narcissique. " Arrête, t'es folle " lui dit-il, lâche, tu me fais mal, je t'ai rien fait, t'es une fille bien ".

Elle ricane : " Une fille bien ! ose chéri, ose ! je suis un monstre tu le siffles tous les jours, si ! tu m'as fait quelque chose, jamais tu ne m'as regardé, tu savais que je t'aimais ! "


   Elle lui tire davantage sur le col, l'amène tout près de son visage, sueur à sueur, haleine contre haleine, elle le toise de dessus, elle est pas grande en outre, en outre quand les mots s'en mêlent, il la domine, il la fixe de ses yeux bleus effrayés.


    Il lui plaît, elle l' aime, ça lui serait interdit de l'aimer, d'essayer de se faire aimer par celui qu'elle aime, de lui dire, ce serait une faute, elle devrait culpabiliser d'aimer, elle n'aurait pas le droit d'aimer et de l'aimer lui ! 


Alors, elle plonge son autre main dans son sac en bandoulière. Ils sont yeux dans les yeux, front contre front, il sent comme une lame s'enfoncer doucement, tranquillement tenue d'une poigne assurée, une lame tranchante qui commence à lui déchirer le bas ventre, qui l'ouvre et le fouaille, ça coule, ça pisse le sang, à flots, il fléchit, elle ôte la lame, elle le lâche, il glisse, il s'effondre livide, il la regarde fou de douleur et d'effroi.


   Elle est heureuse, il est tout à lui, là, vaincu.

Tu vois, là, tu as pris le temps, tu m'as regardée, tu me regardes, fait-elle douce, souriante, tu vois mais il fallait y penser avant.

 

-

  Pauvre con tu étais beau tu sentais beau le sable chaud, moi j'étais laide, moi j'étais moche et limitée, moi j'étais pas aimable, pas consommable ...


  Dommage, dommage, vraiment dommage ...

   

10 - Tu vois fallait me regarder

_


Elle le regarde. Elle le veut. Mais lui ne la regarde pas, mais lui ne la veut pas. 


   Elle le harcèle avec ses sourires, ses clins d'œil, ses montées de lèvres. Elle le guette, s'avance, le croise, elle fait exprès, elle lui souffle en le frôlant : " Je t'aime ". 


   Il file droit devant lui, il l'a vue mais ne la voit pas, ne la regarde pas parce qu'il ne la veut pas parce qu'elle n'est pas belle, parce qu'elle est simplement laide, d'ailleurs personne ne la voudra jamais parce qu'elle est laide, elle a une figure mais pas de visage, pas de corps, pas de jambes dignes, des seins qui tombent comme des baudruches dégonflées. Il dit n'importe quoi il ne sait qu'à peine ce qu'est une baudruche. 


Voilà longtemps qu'elle sait tout ça, pas besoin d'avoir fait polytechnique pour le savoir, elle est laide, mais pas conne, seules les connes qui sont laides savent qu'elles sont laides mais ne reconnaîtront jamais pour autant qu'elles sont connes si elles le sont.


    Je peux en parler je suis con. Mais je ne le reconnais pas. C'est i-nad--mis-sible. 


   Mais mieux vaut être laide que conne, car toutes les femmes sont jolies lorsque les bougies sont éteintes. Et les femmes qui sont connes le restent aussi quand les bougies sont éteintes même si elles sont belles. 


   Elle est laide, et ça ne peut pas durer, elle ne va pas toute sa vie durant se faire souffrir devant son miroir et y lire à tout instant sa laideur dans le regard des autres, dans les grimaces des autres, dans leurs apitoiements ou compassions polis. Elle sait aussi son nez large comme si sa figure avait servi de coussin à un éléphant comme lui avait dit un jour son oncle San Antonio, et sa bouche toute petite, ronde et resserrée, qu'on dirait... Alors un jour il faut bien que quelqu'un paie d'une manière ou d'une autre.


Elle s'approche, elle l'agrippe à l'encolure du chandail, elle lui dit haineuse, rageant les yeux dans les yeux, " Alors chéri hein ! ça se baise pas une fille comme moi, on baise pas un gros sac, d'ailleurs un sac tout court, ce serait contre nature et me baiser c'est contre nature. On ne s'affiche pas avec moi, je fais honte même que je ne peux que puer de la bouche, des aisselles et de la chatte ! monsieur est Bac plus quatre, plus cinq, des queues hein ! il lui faut du beau, du tendre, du laqué, du shorty, du sent bon, du talon aiguille, du sexe et de la conversation.".


Il est pâle, il est grand et il est beau, il doit sentir bon le sable chaud, l'after-shave, les saveurs des amours narcissiques. " Arrête, t'es folle" lui dit-il, lâche, tu me fais mal, je t'ai rien fait, t'es une fille bien ".


Elle ricane : " Une fille bien ! ose chéri, ose ! je suis un monstre bien. Si! vieux ! ose chéri ! Si ! tu m'as fait quelque chose ! Jamais tu ne m'as regardé, tu savais que je t'aimais ! 


   Elle lui tire davantage sur le col, l'amène tout près de son visage, sueur à sueur, haleine contre haleine, elle le toise de dessus, elle est pas grande en outre, en outre quand les mots s'en mêlent elle s'embrouille, se prend les lèvres dans les syllabes alors il en profite, il la domine, il la fixe de ses yeux bleus effrayés. Il lui plaît, elle l'a dans la peau et si elle aime ce serait sa faute en plus, sa faute encore, c'est une faute que d'aimer ? elle n'aurait pas le droit d'aimer et de l'aimer lui ! ça devient impossible la vie !


Alors, elle plonge son autre main dans son sac en bandoulière. Ils sont yeux dans les yeux, front contre front, il sent comme une lame s'enfoncer, tranchante qui lui perce le bas ventre, le lui ouvre, le lui déchire, le lui fouille et ça coule, ça pisse le sang, à flots, il fléchit, elle le lâche, il glisse, il s'effondre livide, il la regarde fou de douleur et d'effroi.


Tu vois, là tu as pris le temps, tu m'as regardée, tu me regardes, fait-elle douce, souriante, tu vois mais il fallait y penser avant.

_


revu le mercredi 2 octobre 2013

Février 2010 - Jeudi 24 janvier 2019

_                            

.

La corde

 .

16 - La corde


- Chérie ? Il n'y a aucune raison de ne pas parler, ici, chez nous, à la maison d'une corde n'est-ce pas ?


- Non, mais je ne comprends pas et pourquoi d'ailleurs parlerions nous d'une corde. Elle est bizarre ta question, mais... d'où viens-tu ? Où étais-tu, ce sac c'est quoi ? Eh bien peut-être bientôt, dans cette maison, ne devions nous plus, ne ........................ plus parler de corde.


Jimmy Hallery sort d'un sac bricorama un rouleau de corde, une espèce de corde à vache. Il est lourd et peine à le hisser sur son épaule puis grimpe au premier étage. Là, il défait les attaches qui maintiennent le cordage, le déroule, prend un bout  le passe autour de la rambarde du palier et fait un nœud, s'assure de son serrage, amène l'autre extrémité de cordage et confectionne une ganse dont il vérifie qu'elle coulisse bien et se la passe autour du cou.


Brittney n'a pas compris ce qui ce passait. Elle est restée dans le vestibule, la t^te levée vers le palier. Elle voit le nœud autour du coup de Jimmy Hallery. 


- Vois-tu chérie, lui dit-il avec ce nœud étrange, penché par dessus la balustrade, ça va être chose faite tu ne pourras plus parler de corde dans la maison. On ne parle jamais de corde dans la maison d'un pendu.


Brittney est pétrifiée, ses jambes s'évanouissent. Elle a des sueurs. Elle a un froid subit comme une main de glace souple qui l'irradie le long de la colonne vertébrale. Elle veut hurler. Elle ne peut pas. Elle ne voit plus rien. Une masse sombre. Jimmy a enjambé la balustrade. La a corde qui se tend fait gémir le bois, l'on entend un craquement le corps rebondit et tombe, se balance quelques minutes, une langue, des yeux, Brittney Hallery glisse le long du mur du vestibule, s'effondre sur le parquet. Au dessus de son visage, les pieds de Jimmy tournoient encore un peu. La sonnerie de l'entrée retentit stridente, transperçante. Le corps de Jimmy la nuque brisée, ......................... s'immobilise enfin.


De l'autre côté du vitrage opaque de la porte d'entrée le facteur rédige son avis de passage, signifiant l'arrivée d'un recommandé avec avis de réception à aller retirer dans les quinze jours au bureau de poste. Avant de glisser l'avis par la lunette de la boîte, par acquit de conscience, il sonne encore longuement. La sonnerie est obscène, hurlante, elle déclenche le réveil et un hurlement de Brittney Hallery. Le facteur se baisse, lève la lunette de la boîte aux lettres. Voit


Dans son lit d'hôpital Brittney Hallery ne cesse de penser malgré les sédatifs. Elle revoit le corps au bout de la corde. Les pieds qui la frôlent. La veille, au sortir du dîner, Jimmy lui a dit : "Chérie, je ne tiens plus, j'ai l'impression bizarre d'être usé jusqu'à la corde.


La corde


__________________________________________________

   

   Jean-Edern revient de chez Bricorama et sort de son sac un rouleau de dix mètres de cordage naturel de huit millimètres de diamètre . 


   Il grimpe tout de suite au deuxième étage de sa vieille maison. Là, il défait les attaches qui maintiennent le cordage, le déroule, prend un bout  le passe autour de la rambarde du palier et fait un nœud, s'assure de son arrimage, amène l'autre extrémité du cordage et confectionne un noeud coulant qu'il se passe autour du cou et dont il vérifie qu'il coulisse bien, et d'ailleurs qu'il y ajuste et qui lui serre bien le cou. 


Ophélie n'a pas compris ce qui se passait. Elle n'a qu'entendu qu'une porte qui s'ouvrait, un mouvement dans le vestibule, et comme Jean-Edern ne vient pas vers elle finit par s'extirper de son fauteuil et de ses quatre mariées pour une lune de miel et sort du séjour.


   Elle a voit une corde qui se balance, sous son nez, qui remonte et elle la suit et remonte avec elle du regard et voit là-haut Jean-Edern qui trifouille ce qui doit être une corde. Une corde ?


   Que fais-tu Jean-Edern, où étais-tu ? mais que fais-tu ?  Elle voit le nœud autour du cou de Jean-Edern et pâlit, mais qu'as-tu trouvé encore, tu fais quoi, tu joues à quoi.... Jean-Edern, Jean-Edern ...
-


- Vois-tu chérie, lui dit-il avec ce nœud étrange autour du cou, le buste penché par dessus la balustrade, ça va être chose faite celui que tu traites de vieux con, celui auquel tu dis un jour comme ça, l'air de rien, quarante ans après je n'ai jamais aimé tes lèvres eh bien ton vieux gros con il va sauter à la corde heine sauter à la corde. A ces mots Jean-Edern ...  


Ophélie ne comprend toujours pas. Mais comprend que quelque chose se passe va se passer. Comprend tout soudain. Elle est pétrifiée, ses jambes lâchent. Elle a des sueurs. Un froid subit la perfuse. Elle veut hurler. Elle ne peut pas. Elle ne voit plus rien. Elle se sent défaillir ... 


   A ces mots Jean-Edern ne sent plus de ... 


   Jean-Eden a enjambé la balustrade et saute. La masse sombre d'un grand corps désarticulé chute et s'écrase sur le parquet du rez-de-chaussée dans un énorme bruit sourd. Il a mal  calculé son coup, mal évalué la longueur utile. La corde était trop longue et ne l'étrangle pas. 


   Jean-Edern gît aux pieds d'Ophélie, fracassé mais pas étranglé. 

   

   Ophélie a glissé le long du mur du vestibule, s'est effondrée sur le parquet. La sonnerie de l'entrée retentit stridente, transperçante. Jean-Edern gît, geint. Ophélie évanouie gémit.


-


   De l'autre côté du vitrage opaque de la porte d'entrée le facteur rédige son avis de passage, signifiant l'arrivée d'un recommandé avec avis de réception à aller retirer dans les quinze jours au bureau de poste. Enfin je n'en sais rien.


    Avant de glisser l'avis par la lunette de la boîte. Par acquit de conscience, il sonne encore longuement. La sonnerie est obscène, hurlante mais ravive les sens d'Ophélie qui revient à elle et voit la silhouette du facteur s'éloigner. Elle voit l'autre à ses pieds, ça saigne.


    Elle rage en l'entendant agonir, Elle rage de s'être fait avoir, d'avoir cru qu'elle pouvait lui dire n'importe quoi, n'importe quand, n'importe comment pour se venger de s'entendre abaisser constamment du moins est-ce son analyse, son ressenti, elle rage de le voir se tordre et de baver du sang. Le con, il ne fera jamais bien les choses, il s'est raté, et maintenant c'est moi qui vais devoir m'en occuper, alors elle remobilise toutes ses forces, se lève, se bouge, saisit la corde et fait glisser le noeud et serre et serre et serre et serre le noeud coulant, le visage se gonfle devient braise ardente, le corps a des tressautements, se tend, les jambes se dressent, se lancent dans un un gigotement de pantin et retombent, elle serre, ah mon vieux je savoure, elle serre, puis soudain un grand râlement tout retombe, tout s'éteint tout se calme, Ô quelle paix, Ô cette paix qui suit les grands crimes, merci mon Dieu.


  Ophélie est en nage, épuisée.


  Elle fait le 15, le 15 arrive en force et ne comprend pas que la vertèbre de la nuque ne soient pas brisée puisqu'il est tombé du deuxième étage, il appelle la police, Ophélie fait une crise nerveuse...


  Mais vous ne voyez pas qu'il s'est jeté de là-haut, vous ne voyez pas, mais madame l'on voit que ... quoi que c'est moi qui l'ai fracassé comme ça, alors comment alors comment expliquez-moi ....


  De grands cernes la creuse... 


   Quand même quand même curieux que la corde ne soit pas tendue qui aurait dû lui briser la nuque curieux ces yeux exhorbités cette langue ces teintes violacées .. 


   Mais madame madame ... 


   Ophélie a bondi et et gravit les escaliers quatre à quatre madame, madame quatre à quatre bondit, vole, elle est au deuxième, elle est essouflée, un policier un ambulancier courent après elle, vont la saisir mais d'un coup de rein elle franchit la balustrade et roule et tombe dans le vide ...


    Le crâne, le crâne sur le parquet ciré, le crâne et dans une dernière contorsion s'écroule sur le corps de Jean-Edern, deux corps, deux corps...

 

     Une corde, du sang, un tohu bohu de blouses blanches de policier ... Deux corps, deux morts, du sang... Des pieds les enjambent essaient d'éviter les flaques ... 


   L'urgentiste du Samu sort, il vomit sur le trottoir.



  _

16 - La corde


- Chérie ? Il n'y a aucune raison de ne pas parler, ici, chez nous, à la maison d'une corde n'est-ce pas ?


- Non, mais je ne comprends pas et pourquoi d'ailleurs parlerions nous d'une corde. Elle est bizarre ta question, mais... d'où viens-tu ? Où étais-tu, ce sac c'est quoi ? Eh bien peut-être bientôt, dans cette maison, ne devions nous plus, ne ........................ plus parler de corde.


Jimmy Hallery sort d'un sac bricorama un rouleau de corde, une espèce de corde à vache. Il est lourd et peine à le hisser sur son épaule puis grimpe au premier étage. Là, il défait les attaches qui maintiennent le cordage, le déroule, prend un bout  le passe autour de la rambarde du palier et fait un nœud, s'assure de son serrage, amène l'autre extrémité de cordage et confectionne une ganse dont il vérifie qu'elle coulisse bien et se la passe autour du cou.


Brittney n'a pas compris ce qui ce passait. Elle est restée dans le vestibule, la t^te levée vers le palier. Elle voit le nœud autour du coup de Jimmy Hallery. 


- Vois-tu chérie, lui dit-il avec ce nœud étrange, penché par dessus la balustrade, ça va être chose faite tu ne pourras plus parler de corde dans la maison. On ne parle jamais de corde dans la maison d'un pendu.


Brittney est pétrifiée, ses jambes s'évanouissent. Elle a des sueurs. Elle a un froid subit comme une main de glace souple qui l'irradie le long de la colonne vertébrale. Elle veut hurler. Elle ne peut pas. Elle ne voit plus rien. Une masse sombre. Jimmy a enjambé la balustrade. La a corde qui se tend fait gémir le bois, l'on entend un craquement le corps rebondit et tombe, se balance quelques minutes, une langue, des yeux, Brittney Hallery glisse le long du mur du vestibule, s'effondre sur le parquet. Au dessus de son visage, les pieds de Jimmy tournoient encore un peu. La sonnerie de l'entrée retentit stridente, transperçante. Le corps de Jimmy la nuque brisée, ......................... s'immobilise enfin.


De l'autre côté du vitrage opaque de la porte d'entrée le facteur rédige son avis de passage, signifiant l'arrivée d'un recommandé avec avis de réception à aller retirer dans les quinze jours au bureau de poste. Avant de glisser l'avis par la lunette de la boîte, par acquit de conscience, il sonne encore longuement. La sonnerie est obscène, hurlante, elle déclenche le réveil et un hurlement de Brittney Hallery. Le facteur se baisse, lève la lunette de la boîte aux lettres. Voit


Dans son lit d'hôpital Brittney Hallery ne cesse de penser malgré les sédatifs. Elle revoit le corps au bout de la corde. Les pieds qui la frôlent. La veille, au sortir du dîner, Jimmy lui a dit : "Chérie, je ne tiens plus, j'ai l'impression bizarre d'être usé jusqu'à la corde.

"


3 juillet 2023




















































__________________________________________________________